Moi, Patrick, un pécheur, le plus inculte de tous les fidèles.., j'ai eu pour père Calpornius, un diacre, lui même fils de Potitus, un prêtre (du latin "presbytre", mot qui signifie en fait "Ancien", "homme d'expérience". Les prêtres pouvaient être mariés, ce n'est qu'au XIè siècle que le célibat leur a été imposé), qui demeurait au village de Bannavem Taburniae ; il avait, dans les environs, un domaine à la campagne, où je fus fait prisonnier.
J'avais alors environ 16 ans. J'ignorais le vrai Dieu [St Patrick était encore incrédule] et je fus emmené en captivité en Irlande avec tant de milliers de gens [ils ont été capturé par des pirates]. Nous l'avions bien mérité, car "nous nous étions détournés de Dieu, nous n'avions pas observé ses commandements" et nous avions manqué d'obéissance envers nos prêtres qui nous exhortaient pour notre salut et le Seigneur .. nous a dispersés .. "jusqu'à l'extrémité" même "de la terre", là où maintenant le peu que je suis demeure parmi des étrangers.
Et alors "le Seigneur ouvrit l'intelligence de mon coeur incrédule, pour que je prenne conscience, même si c'était bien tard, de mes péchés, que "je me convertisse [au sens de se tourner vers] de tout mon coeur au Seigneur mon Dieu", qui "a considéré ma bassesse", a pris pitié de ma jeunesse et de mon ignorance, m'a gardé avant que je le connaisse et avant que je sois sensé et sache faire la distinction entre le bien et le mal, m'a fortifié et m'a consolé comme un père console son fils.
Aussi ne puis-je taire ces grands bienfaits et la grâce si grande que le Seigneur a daigné m'accorder "dans la terre de ma captivité" [en Irlande]; car ce que nous pouvons rendre à Dieu, c'est, après avoir été corrigés et avoir reconnu Dieu, de "magnifier et de louer ses oeuvres admirables en présence de toute nation se trouvant quelque part sous le ciel.
Car il n'y a pas d'autre Dieu, il n'y eut jamais auparavant, il n'y aura pas dans la suite des temps que Dieu, le Père inengendré, sans commencement, de Qui procède tout commencement et Qui maintient toutes choses, le Seigneur de l'univers, comme nous le disons; et Son Fils Jésus-Christ qui, nous l'attestons, est toujours demeuré avec le Père, engendré spirituellement d'une manière ineffable avant le commencement du monde, auprès du Père, antérieur à tout commencement, et par Lui ont été créées les choses visibles et les invisibles ; Il s'est fait homme; après avoir vaincu la mort, il a été admis au Ciel par le Père; "et Il [le Père] lui a donné une puissance absolue sur tout être qui qui soit [qui est nommable] au Ciel, sur terre et aux enfers; et toute langue doit lui rendre ce témoignage que Jésus-Christ est Seigneur et Dieu , en Qui que nous croyons et Lui dont nous espérons le retour prochain, Lui "le Juge des vivants et des morts", qui rendra à chacun selon ses oeuvres et Qui a répandu abondamment sur nous son Esprit-Saint, don et gage d'immortalité, Qui fait de ceux qui croient et obéissent des "fils de Dieu" et des "cohéritiers du Christ", et Lui nous Le confessions et adorons, Dieu Un dans la Trinité du Saint Nom.
Bien que je sois imparfait en beaucoup de choses, je souhaite néanmoins à mes frères et à ma parenté de savoir qui je suis, afin qu'ils puissent comprendre le désir de mon coeur. [Les parents de Saint Patrick avaient du mal à comprendre pourquoi leur fils, les avaient quitté pour évangéliser l'Irlande païenne]
C'est pourquoi, je songeais à écrire, mais j'ai hésité jusqu'à présent, .. parce que je ne me suis pas instruit comme les autres, qui se sont pénétrés parfaitement de droit et de l'Ecriture Sainte, et qui, depuis leur enfance, n'ont jamais changé de langue, mais l'ont, au contraire, toujours perfectionné. En effet, dans mon cas, ce que je disais a dû être traduit dans une langue étrangère.
Mais à quoi bon une excuse, même si elle est véridique..? Adolescent ou plutôt jeune garçon encore imberbe, je fus fait prisonnier, avant de savoir ce que je devais rechercher ou éviter. C'est pourquoi je rougis aujourd'hui et j'ai grand-peur de dévoiler mon incapacité, car je ne suis pas capable d'exprimer avec concision devant des hommes instruits ce que mon esprit et mon intelligence sont impatients de dire et ce que me fait voir le sentiment de mon coeur.
Moi qui étais d'abord un rustre exilé et sans instruction, moi qui ne sais pas prévoir l'avenir, je sais cependant une chose avec certitude, c'est qu'avant d'être humilié j'étais comme une pierre gisant dans une boue profonde; mais Il est venu, "Celui qui est puissant", et dans Sa Miséricorde Il m'a pris, Il m'a hissé vraiment bien haut et m'a placé au sommet du mur. Et c'est pourquoi je devrais élever la voix très fort, afin de rendre aussi quelque chose au Seigneur pour Ses bienfaits ici-bas et dans l'éternité, bienfaits si grands que l'esprit des hommes est incapable de les évaluer.
Soyez donc dans l'admiration, "grands et petits qui craignez Dieu ",[Dieu] m'a plus que d'autres inspiré, moi, le rebut de ce monde, pour que, dans la crainte et le respect et sans être sujet de plainte, .. je serve fidèlement le peuple vers lequel l'amour du Christ m'a porté et à qui Il m'a ensuite donné, pour que, je le serve toute ma vie humblement et sincèrement.
Dès lors à la lumière de notre Foi en la Trinité, je dois faire ce choix [quitter sa famille pour aller en Irlande] et, sans appréhender le danger, de proclamer le don de Dieu et sa "consolation éternelle", de répandre sans crainte mais avec confiance le Nom de Dieu en tout lieu, afin que, même après ma mort, je laisse un héritage à mes frères et à mes fils, à ces milliers d'hommes que j'ai baptisés dans le Seigneur!
Lorsque je fus arrivé [captif] en Irlande - je faisais paître le bétail chaque jour et je priais souvent dans la journée -, l'amour de Dieu et sa crainte m'envahirent de plus en plus, ma Foi grandit. Mon esprit se laissa conduire, de sorte que je faisais environ 100 prières en un seul jour et à peu près autant de nuit, aussi bien quand je demeurais dans les forêts que sur la montagne, que je me levais avant le jour pour prier, dans la neige, gel et pluie, que je ne ressentais aucun mal et qu'il n'y avait aucune paresse en moi - comme je le vois maintenant, car alors l'esprit était en moi plein d'ardeur.
Et là, j'entendis une nuit, dans mon sommeil, une voix qui me disait : "Tu as bien fait de jeûner, tu vas bientôt retourner dans ta patrie". Et peu de temps après, je perçus de nouveau une parole qui me disait : "Vois, ton bateau est prêt". Et ce n'était pas dans le voisinage mais à une distance de 300 km. Je n'y avais jamais été et je n'y connaissais absolument personne; peu après, je me déterminai à fuir. Je quittai l'homme auprès duquel j'étais resté 6 ans. J'avançai par la force de Dieu, qui dirigeait ma route vers le bien, et je n'eus rien à craindre jusqu'au moment où je parvins à ce bateau.
Le jour même où j'y parvins, le bateau fut mis à l'eau et .. nous levâmes aussitôt l'ancre (le capitaine et l'équipage étaient des païens).
Ayant touché terre au bout de 3 jours, nous marchâmes ensuite pendant 28 jours à travers une contrée déserte. Et la nourriture vint à leur manquer et "la faim s'appesantit sur eux" ; un jour, le capitaine se mit à me dire : "Hé bien, Chrétien, tu dis que ton Dieu est grand et tout-puissant; pourquoi donc ne pries-tu pas pour nous? car nous sommes en danger de mourir de faim; en effet, il y a peu de chances que nous revoyions jamais un être humain". Alors, moi je leur répondis avec assurance : "Convertissez-vous en vérité et de tout votre coeur au Seigneur mon Dieu - car rien ne lui est impossible - pour qu'il vous envoie aujourd'hui de la nourriture sur votre route jusqu'à ce que vous soyez rassasiés, car il en a partout en abondance". Et c'est ce qui arriva avec l'aide de Dieu voici qu'un troupeau de porcs apparut sur le chemin devant nos yeux; ils en tuèrent beaucoup et restèrent 2 jours en ce lieu à se restaurer et à se refaire grâce à la viande des porcs; et leurs chiens reçurent grande quantité, car un grand nombre d'entre eux étaient, en effet, tombés en défaillance et avaient été "abandonnés à demi morts" au bord du chemin; ils rendirent ensuite hautement grâces à Dieu et je fus honoré à leurs yeux; à partir de ce moment-là ils eurent de la nourriture en abondance; ils trouvèrent même du miel sauvage et "m'en offrirent" ...
La même nuit, au cours de mon sommeil, Satan m'assailla violement, dont je me souviendrai "tant que je vivrai dans ce corps". Il tomba sur moi comme un énorme rocher et tous mes membres étaient réduits à l'impuissance. Mais d'où vint à l'esprit de l'ignorant que j'étais l'idée d'invoquer Élie? Je vis à ce moment-là le soleil se lever dans le ciel et, tandis que j'appelais de toutes mes forces "Elie, Elie", voici que l'éclat de ce soleil (Hélios en grec) tomba sur moi et aussitôt me libéra de toute misère. Et je crois que j'ai été secouru par le Christ, mon Seigneur, et que c'est son Esprit qui criait alors pour moi et j'espère qu'il en sera de même au jour de mon angoisse, comme il est dit dans l'Evangile "En ce jour-là, le Seigneur l'atteste, ce n'est pas vous qui parlez, mais l'Esprit de votre Père qui parle en vous."
De plus, au cours de notre chemin, Dieu nous fournit chaque jour nourriture, feu et temps sec, jusqu'au dixième jour, où nous rencontrâmes des hommes. Comme je l'ai dit plus haut, nous avions marché 28 jours à travers le désert, et la nuit où nous rencontrâmes des hommes, nous n'avions plus rien comme nourriture.
Après quelques années, j'étais de nouveau en (Grande-)Bretagne [Brittanis] dans ma parenté; ils m'accueillirent comme un fils et me conjurèrent de ne pas les quitter pour aller ailleurs, désormais du moins, après tant d'épreuves que j'avais endurées. Et c'est là que "je vis, dans une vision nocturne", un homme du nom de Victorinus, qui paraissait venir d'Irlande avec d'innombrables lettres. Il m'en donna une et je lus le début de cette lettre où il était écrit "La Voix des Irlandais"; et, tandis que je lisais le début de la lettre, je croyais entendre au même instant l'appel de ceux qui demeuraient à côté de la forêt de Voelute, qui est près de la mer Occidentale, et voici ce qu'ils criaient "comme d'une seule bouche : "Saint garçon, nous te prions de revenir marcher parmi nous". Et je fus profondément ému dans mon coeur et ne pus continuer ma lecture, et c'est ainsi que je m'éveillai. Dieu soit loué, car au bout de nombreuses années le Seigneur exauça leur cri.
Et, une autre nuit - "si ce fut en moi ou en dehors de moi, je ne sais, Dieu le sait" -, des paroles furent dites avec beaucoup d'éloquence, paroles que j'entendis mais ne pus comprendre, si ce n'est à la fin du discours, où il fut dit "Celui qui a donné Sa vie pour toi, c'est Lui Qui parle en toi"; et ainsi je m'éveillai plein de joie.
Et, une autre fois, je Le vis Qui priait en moi; j'étais comme à l'intérieur de mon corps et je L'entendais au-dessus de moi, c'est-à-dire au-dessus de l'homme intérieur, et là Il priait à haute voix avec gémissements. Et pendant ce temps, j'étais dans la stupeur et l'étonnement et me demandais quel était celui qui priait en moi. Mais à la fin de la prière Il déclara qu'Il était l'Esprit; ainsi je m'éveillai et je me souvins des paroles de l'Apôtre : "Pareillement l'Esprit vient au secours de notre faiblesse; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut; mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, ce qui ne peut s'exprimer à l'aide de mots".
Je rends d'inlassables actions de grâces à mon Dieu .. qui m'a appris à Lui faire confiance sans cesse, à Lui dont on ne peut douter, et qui m'a exaucé de sorte que, bien qu'étant ignare, j'ai osé entreprendre dans les tout derniers jours une oeuvre sainte et admirable - imitant donc ceux dont le Seigneur avait prédit longtemps à l'avance qu'ils annonceraient Son Evangile avant la fin du monde, en rendant témoignage devant toutes les nations. C'est cela que nous avons vu, c'est cela qui est accompli : nous en sommes témoins, l'Evangile a été prêché jusqu'aux lieux au-delà desquels il n'y a plus personne qui vit.
Il serait trop long de raconter l'un après l'autre tous mes labeurs, ou même une partie d'entre eux. Laissez-moi dire brièvement comment le Dieu très bon m'a souvent libéré de l'esclavage et de 12 dangers qui mirent ma vie en péril, sans compter de nombreux pièges et ce que je ne suis pas capable d'exposer par des mots. Je ne veux pas ennuyer les lecteurs, mais Dieu, qui sait toutes choses avant qu'elles n'arrivent, m'est garant du nombre de fois où une voix divine m'a averti, moi, le pauvre petit ignorant.
D'où me vient cette sagesse, qui n'était pas en moi alors que je ne savais même pas le nombre de mes jours et que j'ignorais Dieu? D'où m'est venu ensuite un don si grand et si salutaire - connaître Dieu et L'aimer, bien qu'au prix de l'abandon de ma patrie et mes parents ?
Et nombre de cadeaux me furent offerts avec larmes et gémissements [pour que je consente à rester], mais, conduit par Dieu, je ne consentis à rien et ne leur cédai pas. Ce n'était pas une grâce de moi-même, mais Dieu, Qui est fort en moi et s'opposa à eux tous. Il fit de même lorsque je vins chez les peuples d'Irlande pour prêcher l'Êvangile et dus subir des outrages de la part des incroyants, pour que je m'entende reprocher la honte d'être un étranger, que j'endure beaucoup de persécutions et même les chaînes; et que je donne ma liberté pour le bien d'autrui; mais, si j'en suis digne, je suis également prêt à donner, sans hésitation et avec joie, ma vie pour le Nom du Seigneur et je souhaite la dépenser ici jusqu'à la mort, s'Il me l'accorde.
Car je suis grandement redevable à Dieu, Qui m'a accordé une grâce si grande que, par mon intermédiaire, nombre de gens sont nés à nouveau en Dieu et ont été ensuite confirmés; que, pour eux, des clercs ont été ordonnés en tout lieu en faveur de ce peuple qui venait de parvenir à la Foi et que Dieu a pris des extrémités de la terre, comme Il L'avait promis autrefois par Ses prophètes : "Les nations viendront à toi des extrémités de la terre et diront : puisque nos pères se sont procuré de vaines idoles, il n'y a pas non plus d'utilité en elles"; et encore: "Je t'ai établi comme une lumière parmi les nations, pour porter le Salut jusqu'à l'extrémité de la terre".
Et c'est ici que je veux attendre la promesse de Celui qui ne fait assurément jamais défaut, comme Il le promet dans l'Evangile : Ils viendront de l'Orient et de l'Occident et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob; ainsi nous avons confiance que les croyants viendront du monde entier.
C'est pourquoi il importe de s'appliquer à la pêche (il parle de l'évangélisation) avec vigilance, selon l'exhortation et l'enseignement du Seigneur qui dit "Venez à ma suite et je vous ferai devenir pêcheurs d'hommes". Aussi était-il très important de tendre nos filets, afin qu'une masse énorme, qu'une foule soit prise pour Dieu et que, pour baptiser et exhorter le peuple qui en a besoin et qui le désire, il y ait partout des clercs, selon la parole, l'invitation et l'instruction du Seigneur dans l'Évangile, où il dit : "Allez donc maintenant instruire toutes les nations, les baptisant au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit et leur apprenant à observer tout ce que Je vous ai commandé; et voici que moi Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde."
Il dit encore : "Allez donc dans le monde entier prêcher l'Evangile à toute créature; celui qui croira et sera baptisé sera sauvé; celui qui ne croira pas sera condamné." Et encore : "Cet évangile du royaume sera prêché dans le monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations, et alors viendra la fin"
Dès lors, comment cela se fait-il que ces gens qui, en Irlande n'ont jamais eu la moindre connaissance de Dieu, mais qui ont jusqu'à présent toujours adoré des idoles et des objets impurs, sont devenus récemment un peuple du Seigneur et sont-ils appelés fils de Dieu, que les fils des Scots et des filles des rois des Irlandais sont-ils des moines et des vierges du Christ ? (beaucoup de chrétiens choisissaient de vivre en communauté)
[Ces converti(e)s] subissent, de la part de leurs parents des persécutions et des reproches immérités; et néanmoins leur nombre s'accroît toujours davantage. Combien sont nés de nouveau quant à être de notre race, nous en ignorons le nombre. Parmi elles cependant, celles qui sont maintenues en esclavage ont le plus à souffrir. Elles endurent avec constance jusqu'aux terreurs et aux menaces. Mais le Seigneur a accordé Sa grâce à un grand nombre de Ses servantes; malgré l'interdiction, en effet, elles L'imitent avec courage.
C'est pourquoi, même si je voulais les quitter pour me rendre en (Grande-) Bretagne - et j'y serais tout à fait disposé car j'aimerais me rendre dans ma patrie et auprès de mes parents, et aussi jusqu'en Gaule pour visiter les frères et afin de voir le visage des saints de mon Seigneur! Dieu sait que je le souhaiterais vivement. Mais, enchaîné par l'Esprit, me dénonçant d'avance comme coupable si je le fais, je crains aussi de perdre le fruit du travail que j'ai commencé, non de moi-même, mais c'est le Christ Seigneur qui m'a ordonné de venir passer auprès d'eux le reste de mes jours, si le Seigneur le veut et s'Il me préserve de toute voie mauvaise pour que je ne pèche pas devant Lui.
J'ai été choisi pour être Son ministre; mais je ne fus pas rapide à répondre à ce qui m'était manifesté et à ce que l'Esprit m'inspirait. Et le Seigneur a eu pitié de moi en faveur de milliers et de milliers d'hommes, parce qu'il voyait que j'étais prêt, mais que je ne savais pas que faire dans ces circonstances. Nombreux étaient, en effet, ceux qui s'opposaient à cette mission [en Irlande]; ils parlaient même entre eux derrière mon dos et disaient: "Pourquoi celui-là se jette-t-il dans une entreprise périlleuse chez des étrangers qui ne connaissent pas Dieu?" Ce n'était pas par malice, mais, je l'atteste moi-même, cela ne pouvait pas être compris d'eux à cause de ma rusticité. Et je n'ai pas été prompt à reconnaître la grâce qui était alors en moi; maintenant m'est intelligible ce que j'aurais dû comprendre auparavant.
Maintenant j'ai donc simplement exposé à mes frères et à mes compagnons de service qui m'ont cru suite à ce que j'ai dit et que je dis encore afin de renforcer et de confirmer votre Foi. Puissiez-vous ambitionner, vous aussi, des buts plus élevés et accomplir des oeuvres plus excellentes ! Ce sera ma gloire, car un fils sage est la gloire de son père.
Vous savez, et Dieu sait aussi, comment j'ai vécut au milieu de vous depuis ma jeunesse, dans la loyauté à l'égard de la vérité et dans la sincérité du coeur. De même, envers ces païens, au milieu desquels j'habite, j'ai aussi toujours fait preuve de loyauté et je le ferai encore. Dieu sait que je n'ai pris aucun d'eux en traîtres, et je n'y songe même pas, à cause de Dieu et de son Eglise, de peur de susciter une persécution contre eux et contre nous tous et que le Nom du Seigneur ne soit blasphémé à cause de moi; il est écrit, en effet : "Malheur à l'homme par qui le Nom du Seigneur est blasphémé."
En effet, .. je me suis efforcé de me garder aussi de mes frères Chrétiens, et des pieuses femmes, qui m'offraient spontanément de petits cadeaux.. je les leur rendais et elles s'indignaient contre moi. Mais je le faisais à cause de l'espoir en la permanence de ma mission, dans l'intention de me garder prudemment en toutes choses, de peur que sous quelque prétexte de malhonnêteté, on ne me surprenne en faute, moi et le service de mon ministère, ou encore que, fût-ce pour un détail infime, je ne donne lieu aux diffamations et aux dénigrements des infidèles.
Lorsque j'ai baptisé tant de milliers d'hommes, ai-je par hasard attendu de l'un d'eux même la moitié d'un scripulum? (ancienne monnaie irlandaise) Dites-le-moi et je vous le rendrai. Ou lorsque, par l'intermédiaire de l'indigne que je suis, le Seigneur a ordonné des clercs en tout lieu, et que je leur ai gratuitement conféré le ministère, si j'ai demandé à l'un d'eux fût-ce le prix d'une paire de chaussures, dites-le-moi en face et je vous le rendrai.
Au contraire! J'ai tant dépensé d'argent pour vous, et je suis allé vers vous et partout à cause de vous, parmi de multiples dangers et même jusqu'aux districts les plus distants au-delà desquels il n'y avait plus personne et où nul n'était jamais venu pour baptiser, ordonner des clercs ou confirmer le peuple : par la grâce de Dieu, j'ai tout suscité avec vigilance et de grand coeur pour votre Salut.
De temps à autre, j'offrais des présents aux rois. Malgré cela, ils m'arrêtèrent avec mes compagnons et ils avaient ce jour-là un vif désir de me tuer; mais mon temps n'était pas encore venu. Tout ce qu'ils purent trouver sur nous, ils s'en emparèrent, et moi-même, ils me lièrent avec des chaînes de fer ; et le quatorzième jour, le Seigneur me libéra de leurs mains et tout ce qui nous appartenait nous fut rendu à cause de Dieu et de ceux qui sont nos amis intimes et familiers et que nous avions vus auparavant.
Vous avez appris combien j'ai payé afin que vous puissiez jouir de moi et moi toujours jouir de vous en Dieu. Je ne le regrette pas, mais ce n'est pas assez pour moi : je dépense encore et je dépenserai au-delà de toute mesure. Le Seigneur est assez puissant pour m'accorder un jour de me dépenser moi-même pour vos âmes.
Mais je constate que, dès le siècle présent, le Seigneur m'a exalté au-delà de toute mesure; et je n'étais ni digne ni tel qu'il l'eût fallu pour qu'Il m'accorde cela. Je sais avec certitude que pauvreté et malheur me conviennent mieux qu'abondance et délices. Car le Christ Seigneur lui-même fut pauvre pour nous, et moi, pauvre et malheureux, même si je voulais les richesses, je ne les possède cependant pas. Chaque jour je m'attends à être assassiné, pris au piège, réduit en servitude ou à n'importe quelle éventualité mais à cause des promesses du Ciel, je ne redoute rien de tout cela, je me suis, en effet, jeté moi-même dans les mains du Dieu tout-puissant qui règne en tous lieux.
Voici que je confie mon âme au Dieu très fidèle, pour qui je m'acquitte d'une mission malgré ma bassesse. Dieu m'a choisi pour cet office, afin que je sois Son serviteur.
Comment lui rendrai-je tous ses bienfaits envers moi? Mais que puis-je dire ou promettre à mon Seigneur, vu que je n'ai pas d'autre capacité que celle qu'Il m'a Lui-même donnée? Mais qu'Il scrute mon coeur et mes reins, car je désire vivement, trop vivement même, et je me suis préparé à ce qu'Il me donne Son calice à boire (la coupe du martyre), comme Il l'a aussi accordé à d'autres qui L'aiment.
Aussi, que, par la volonté de mon Dieu, jamais il ne m'arrive de perdre le peuple qu'Il S'est acquis à l'extrémité de la terre! Je prie Dieu de me donner la persévérance et de bien vouloir que je Lui rende, jusqu'à la fin, un témoignage fidèle.
Je Lui demande de m'accorder de verser, en l'honneur de Son Nom, mon sang avec ces étrangers et ces captifs, dussé-je être privé de sépulture. J'ai l'assurance que, si cela m'arrivait, je gagnerais, comme récompense, mon âme avec mon corps car en ce jour-là nous ressusciterons dans la gloire du Christ Jésus, notre rédempteur -, comme des fils du Dieu vivant, des cohéritiers du Christ, destinés à devenir conformes à Son image; car, par Lui, avec Lui et en Lui, nous régnerons.
Tous ceux qui adorent [le Soleil] tomberont misérablement dans le châtiment, les malheureux! Au contraire de nous, qui croyons et adorons le soleil véritable, le Christ, qui jamais ne périra, et quiconque fait sa volonté ne périra pas, mais il demeurera éternellement, de même que le Christ demeure éternellement, Lui qui règne avec Dieu le Père tout-puissant et l'Esprit-Saint avant les siècles, maintenant et pour tous les siècles des siècles. Amen.
Voici que, encore et à nouveau je vais exposer brièvement les paroles de ma confession. J'atteste en vérité, devant Dieu et devant Ses saints Anges, que je n'ai jamais eu aucun autre motif que l'Evangile pour être revenu auprès de cette nation, à laquelle je n'avais échappé auparavant qu'avec difficulté.
J'adresse une prière aux hommes croyants et craignant Dieu, qui liront cet écrit, que Patrick, a composé en Irlande: si j'ai fait ou exposé quelque petite chose selon le bon plaisir de Dieu, que nul ne dise que c'est l'ignorant que je suis qui l'a faite, mais pensez - vu que c'est la pure vérité - que ce fut un don de Dieu. Ceci est ma confession avant que je ne meure.
Jusqu'ici le livre rédigé de la main de Patrick, et Patrick est parti pour les Cieux le 17 de mars*
* 461. Le 17 mars se fête la saint Patrick.