Les galériens huguenots

Galère la Réale - galériens huguenots
D'après Michelet, les huguenots des galères furent, en général, l'élite morale et religieuse, non seulement du protestantisme français mais de la France tout entière.

Ces galériens protestants étaient le produit d'une sorte de sélection, qui envoyait aux galères les éléments les plus engagés, parce qu'ils étaient les plus pieux du peuple huguenot.

Etrange et cruelle destinée que celle de ces hommes qui étaient l'élite morale de la France, accouplés sur des bancs d'infamie à d'autres hommes qui en étaient l'écume!

Les coups qui lacéraient le dos nu des huguenots galériens, furent un moyen de réveil pour ceux qui avaient abjuré pour échapper à la persécution. De nombreux forçats catholiques, et au moins un aumônier, l'abbé Bion, se convertirent à la foi protestante qui inspirait une telle constance. L'Esprit de Dieu sut se trouver, sur les bancs des galères, d'admirables prédicateurs de l'évangile et de fidèles témoins du Christ. Ces hommes de Dieu exerçaient une telle influence sur leurs compagnons de galère que les aumôniers catholiques épouvantés demandèrent qu'on les retire des galères. L'un après l'autre ils furent transférés dans les prisons du Chateau d'If, du fort Saint Nicolas ou à l'hôpital des forçats.

Le témoignage des galériens et prisonniers huguenots ne fut pas seulement en bénédiction à leurs compagnons de souffrance, il franchit les frontières pour proclamer la puissance de l'Evangile qui triomphe de toutes les oppositions. Cette influence fut grande pour le réveil des tristes restes des Eglises réformées de France. C'était un des thèmes favoris des prédicateurs du Désert ou du refuge d'opposer à la tiédeur de leurs auditeurs la ferveur et la constance de leurs frères galériens.

Galères

Les galères ont davantage servi d’établissement pénitencier que de navires de guerre. Elles ont été supprimées en 1748, remplacées par des bagnes dans les ports militaires ou les arsenaux.

Le roi Louis XIV a quarante galères, trente-quatre sont basées à Marseille ; il faut deux cent soixante rameurs sur une galère normale, les tribunaux doivent en fournir les effectifs.

Si l’on étudie les registres d’écrou, qui comptabilisent les 60 000 entrées entre 1680 et 1748, on constate que les 1 550 « galériens pour la foi » représentent 4% de l’effectif.

Parmi les condamnés :

Très peu de pasteurs car ceux-ci subissent généralement la peine capitale.

Galériens célèbres

Louis de Marolles

L'année qui suivit la Révocation de l'Édit de Nantes vit arriver aux galères 190 protestants, coupables de s'être trouvés à une assemblée surprise, ou d'avoir tenté de fuir à l'étranger, ou même simplement d'avoir refusé d'abjurer. L'un des plus distingués par sa situation sociale et par ses talents était Louis de Marolles, receveur des consignations à Sainte Menehould, en Champagne, avec le titre de conseiller du Roi. Ayant essayé de fuir à l'étranger pour y pratiquer librement la religion réformée, il fut arrêté, le 7 décembre 1685, près de Strasbourg et condamné « à servir le Roi à perpétuité comme forçat dans ses galères ».

Isaac Le Fèvre

Membre de l'Église de Corbigny, en Nivernais, l'avocat Isaac Le Fèvre appartenait aussi à l'aristocratie protestante. Condamné aux galères pour avoir tenté de sortir de France, il écrivait du fond de sa prison :
« Mes armes sont les larmes et les prières. Ma foi est faible et je suis un grand pécheur ; mais ce Dieu de bonté, l'asile des affligés, l'unique refuge des misérables, qui n'éteint pas le lumignon qui fume, qui ne brise pas le roseau cassé, aura pitié de moi et de mes grandes faiblesses ; il ne permettra pas que je sois confondu, parce que j'espère en lui ; avec la tentation, il m'en donnera l'issue. Je ne le quitterai point qu'il ne m'ait béni. »

source: L'âme des galériens pour la foi, Matthieu Lelièvre, Ed. la Cause

Les galériens protestants du Chateau d'If

À partir du XVIIIème siècle, le château d'If sert de prison pour 3500 Protestants arrêtés sur l'ordre du roi après la révocation de l'édit de Nantes (1685), et en transit avant d'être enchaînés sur les galères de Marseille jusqu'à leur mort. Voici les impressions de Céphas Carrière qui écrivait en 1708 :
"Après avoir resté environ deux ans sur les galères, je fus traduit au château d'If, forteresse dans la mer, à une lieue de Marseille. Plusieurs autres de nos frères, que les missionnaires (principalement jésuites, chargés de "convertir" les réformés, c'est à dire de les faire abjurer contre promesse de libération) ne pouvaient souffrir sur les galères, y furent traduits dans le même temps. Nous nous sommes trouvés jusqu'à quinze. Notre nombre n'a pu se soutenir quoique, comme je vous dis, on en ait toujours mené quelqu'un, car le lieu est si méchant qu'il paraît impossible d'y durer. Mon frère y est devenu perclus de tous ses membres ; il faut qu'on lui mette le pain à la bouche quand il veut manger... J'avais commencé à vous dire que les endroits où nous sommes sont fort méchants ; en effet je ne crois point qu'il y en ait de plus rudes en France ; je suis resté presque toujours dans le plus mauvais et dans lesquels il n'y a aucun jour, et où il faut vivre à la lumière de la lampe ; ce sont des fonds de tour, pour descendre dans une il faut passer cinq portes, descendre seize marches avec une lampe à la main pour y voir, ensuite descendre encore plus bas par le moyen de quelque machine ; cela serait plus propre à mettre les morts que les vivants, car en effet ce sont des sépulcres affreux. "
(Les galères de France et les galériens protestants des XVIIème et XVIIème siècles - Gaston Tournier (1872-1945) - Les Presses du Languedoc - Édition 1984.)