Incendies

Il y a quelques temps, des résidus industriels encore brûlants, déversés dans une décharge non surveillée, ont été la cause de l'un des plus grands incendies qu'ait connus la Provence. Plus de 3500 hectares de pinèdes et de brousailles ont été ravagées par le feu sur une bonne quinzaine de kilomètres, calcinant toute une partie du versant sud du Massif de l'Etoile qui domine, face à la mer, l'agglomération Marseillaise. Une catastrophe écologique sans précédant, a précisé le préfet de région.


2000 pompiers venus d'un peu partout et 9 canadairs, ces bombardiers d'eau pourtant célèbres pour leur efficacité, ont eu grand peine, après 48 heures de luttes acharnées, à maîtriser le sinistre, tant le vent soufflait avec violence. L'inconscience et l'irresponsabilité ont été, une fois de plus, source de malheur pour nombre de résidents dont les biens furent atteints par les flammes. Une information judiciaire a été ouverte pour incendie volontaire dû au non respect des règles de sécurité.


Il y a quelques années un autre incendie, lui aussi gigantesque et spectaculaire, avait calciné presque entièrement les deux flans de la fameuse "Montagne Sainte Victoire", à quelques lieues d'Aix-en­-Provence. Si le célèbre peintre Cézanne avait vu cela, il en aurait été bouleversé. Cette fois-ci c'est le fameux village de Marcel Pagnol, "La Treille", entre Allauch et Aubagne, qui a manqué de peu de passer par les flammes. Regardant l'épaisse fumée qui s'élevait dans le ciel bleu de la Provence au point de l'obscurcir, la parole de l'épître de Jacques me revenait à la pensée : "Voici, comme un petit feu peut embraser une grande forêt!" (Jac.3.5).


Plus récemment, ce sont les deux plus célèbres calanques du littoral méditerranéen, celles de Sormiou et de Morgiou, entre Marseille et Cassis, qui ont été la proie des flammes, faisant de l'ensemble de ces joyaux de la nature, des lieux défigurés, totalement calcinés et noircis, qui mettront des années à reverdir. Là aussi, le départ du feu, à la périphérie des quartiers sud de Marseille serait dû à un acte de malveillance. Une manière, parait-il, de se venger... Mais on ne sait ni de qui, ni de quoi.


Chaque été, ce sont ainsi des milliers d'hectares de forêts et de garrigues qui sont ravagés par les flammes ; or l'on sait que chaleur, vent et sécheresse ne sont pas les seuls responsables de ce désastre. On peut, bien sûr, comme le font certains, accuser l'imprévoyance des pouvoirs publics qui, dit-on, s'obstinent à privilégier les moyens de lutte contre les incendies, plutôt que ceux, plus appropriés, qui permettraient une prévention efficace. Tout cela se discute!


Mais que dire de l'inconscience de nombreux touristes qui laissent n'importe où les détritus de leurs pique-niques, abandonnant bouteille de verre ou boîtes métalliques aux rayons ardents du soleil du midi, agissant comme autant de loupes pouvant très vite allumer quelques nouveaux feux. Ou que dire aussi de l'inconscience de ceux qui jettent leurs mégots de cigarettes par la portière de leur voiture, risquant d'enflammer l'herbe sèche des bas-côtés des routes.


Il y a aussi les pyromanes, toujours actifs lorsque le mistral souffle fort. N'avait-on pas compté une fois en plein mois d'août 131 foyers d'incendie en 48 heures, dont beaucoup, sciemment calculés en fonction de la direction du vent, sont devenus gigantesques, menaçant la population de villages entiers et détruisant tout leur environnement!


Des imprévoyants, des insouciants, des inconscients, des pyromanes... Il en existe aussi, malheureusement, dans les églises. L'apôtre Jacques l'avait déjà constaté en son temps. D'où son allusion au petit feu qui peut embraser une grande forêt, précisant : "la langue aussi est un feu; c'est le monde de l'iniquité. La langue est placée parmi nos membres, souillant tout le corps et enflammant le cours de la vie, étant elle-même enflammée par la géhenne... C'est un mal qu'on ne peut réprimer...

Par elle, nous bénissons le Seigneur notre Père et par elle nous maudissons les hommes faits à l'image de Dieu. De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction". Et l'apôtre d'ajouter encore : "Il ne faut pas mes frères qu'il en soit ainsi" (Jac.3:6-12).


Que de paroles incendiaires, en effet, ont pu détruire les relations humaines et briser la communion fraternelle au sein même de l'Eglise de Jésus-Christ! Certains des incendies ainsi provoqués ont pu être, heureusement, circonscrits à une seule communauté. Mais parfois, ce sont les relations entre les églises d'une ville ou d'un pays entier, ou entre des oeuvres chrétiennes, qui ont ainsi été brisées pour longtemps. Cela nous donne beaucoup à réfléchir.


Dans le texte de l'épître de Jacques, l'expression grecque traduite généralement par "petit feu", est aussi employée pour désigner une simple étincelle. La chose me semble significative. Une seule parole, dite à tort, peut être à l'origine de bien des incompréhensions. Bien ou mal interprétée, mal reçue ou douloureusement ressentie, elle peut très vite dégénérer en conflit plus ou moins ouvert, empoisonnant la vie et l'oeuvre du Corps de Christ, empestant aussi le monde extérieur par la fumée âcre qui se dégage de ces relations enflammées. Comment, dans de telles circonstances, pourrait-on encore exhaler "la bonne odeur de Christ" ? L'évangélisation elle-même n'en est-elle pas compromise?


Si je comprends bien la pensée de l'apôtre, l'enseignement qu'il dispense dans sa lettre me vise particulièrement moi-même, en tant que responsable et ministre de la Parole de Dieu. En effet, Jacques ne s'adresse-t-il pas précisément à ceux qui ont été appelés aux ministères de la Parole, à la prédication et à l'enseignement... (cf. 3.1). N'avons-nous pas, en tant que serviteurs de Dieu, à veiller plus que tout autre à ce que nous disons ou écrivons au sujet de nos frères et soeurs en la foi? Notre position "en vue", ne fait-elle pas qu'au lieu d'étincelles, dangereuse certes, mais encore facilement maîtrisables, nos propos à l'égard des autres deviennent alors comme des lance-flammes, ou comme des bombes incendiaires, faisant de bien tristes ravages dans les églises et dans l'oeuvre de Dieu?


Dans le domaine de la foi, combien de montagnes conquises, qui étaient pour nous comme des "saintes victoires" à la gloire de Dieu, n'ont-elles pas été anéanties, réduites en cendres, à cause d'incendies, volontaires ou non, que nous avions nous-mêmes allumés ou attisés ... par imprévoyance, par insouciance, par inconscience... ou par pyromanie spirituelle, ce qui est d'autant plus grave! Rappelons­nous qu'un jour, pour nous aussi, il y aura une information judiciaire ouverte, lors du tribunal de Christ, où nous serons appelés à rendre des comptes (cf. 2 Cor.5.10).


Il faudra, dit-on, plusieurs décennies pour que les paysages calcinés de nos régions méditerranéennes retrouvent leur aspect normal. Plaise à Dieu qu'il n'en soit pas de même pour effacer les torts subis par son Eglise! Sa grâce et son pardon produisent, encore et toujours, des miracles. Notre repentance et notre foi en restent les moyens d'accès. Ne les négligeons pas! En cette période automnale, une étude renouvelée de l'épître de Jacques, tant sur le plan personnel que communautaire, devrait nous conduire à suivre le conseil de l'apôtre : "Si quelqu'un d'entre vous manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu... et elle lui sera donnée" (Jac.1.5). N'en avons nous pas tous besoin, particulièrement pour gérer nos relations avec les autres?


En terminant, je voudrais vous rendre attentif à la lecture de quelques versets de la Bible, dans la lettre de l'apôtre Paul aux Ephésiens, versets qui sont autant d'avertissements donnés aux chrétiens en vue de gérer leurs relations avec les autres, de façon la meilleure qui soit ; c'est à dire d'une manière qui plaise à Dieu!


Lecture d'Ephésiens 4 : 25 à 5 : 2 et le verset 8.