Les fausses décrétales d'Isidore
Aux origines de la Papauté

La Pentarchie

A l'origine, les "papes" (métropolites) des différents patriarcats n'avaient pas pour but initial de contrôler une région mais de pouvoir convoquer des conciles universels.

La première formulation de la théorie de la Pentarchie comme étant l'organisation administrative de l'Église se trouve dans la législation de l'empereur Justinien (527–565), surtout sa Novelle 123, qui cite les cinq patriarches (=5 métropolites= 5 papes) : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem

Dans un manuel de droit canon, le Nomocanon XIV titulorum paru sous la direction de Photios Ier de Constantinople, l'Église de Constantinople est présentée comme la tête de toutes les Églises. L’Epanagoge et beaucoup d'autres sources affirment que le siège de Constantinople avait le droit d'arbitrer les disputes entre les autres patriarcats.

La Pentarchie, implicite dans les décisions du Concile de Chalcédoine, se trouve explicitement énoncée dans les actes du concile in Trullo (VIIe siècle) et du Quatrième concile de Constantinople de l'an 869

Naissance de la papauté

Ultérieurement, c'est la réécriture de l'histoire par les chancelleries papales romaines accroit le pouvoir pontifical et légitime les ambitions spirituelles et temporelles des papes de Rome devenus "souverains pontifes" : c'est ainsi, par exemple, que la donation de Pépin le Bref se transforme en « donation de Constantin » qui affirme que c'est l'empereur romain Constantin qui, en quittant la Ville, en aurait remis les clefs à l'évêque de Rome, ainsi que le pouvoir (potestas) sur tout l'Occident

Les fausses décrétales d'Isidore

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fausses_d%C3%A9cr%C3%A9tales

On appelle Fausses décrétales ou encore Pseudo-Isidoriana une collection de décrétales pseudépigraphes, faussement attribuées à un certain Isidore Mercator, lui-même longtemps confondu avec Isidore de Séville. Il s'agit d'un immense travail de falsification de documents canoniques. Rédigées dans les années 830 et 840, les Fausses décrétales constituent l'une des plus importantes sources de droit canonique médiéval.

La collection consiste dans sa forme la plus complète en une soixantaine de décrétales, toutes fabriquées, des papes des trois premiers siècles de l'ère chrétienne, puis des conciles grecs, africains, gaulois et wisigothiques, tels qu'ils sont contenus dans la Collectio Hispana, (mais avec certaines falsifications), enfin d'un recueil de décrétales des papes Sylvestre Ier à Grégoire II. Dans cette dernière partie on trouve des pièces (parfois falsifiées et interpolées) issues des Collections Hispana, Dionysio-Hadriana et Quesnelliana aussi bien qu'une bonne trentaine de Lettres papales falsifiées par l'atelier pseudo-Isidorien.

Quelques repères historiques

dans les années 830
L'histoire mouvementée de l'Empire franc forme l'arrière-plan du complexe pseudo-isidorien.
En 833
l'empereur Louis le Pieux était privé de ses droits impériaux par ses propres fils, appuyés par une partie de l'épiscopat soucieux de garantir ses droits et son autonomie.
en 840
Mort de Louis le Pieux .
août 843
Traité de Verdun, les trois fils survivants de Louis le Pieux, les petits-fils de Charlemagne, se partagent ses territoires, l'empire carolingien, en trois royaumes.
d'octobre 827 au 24 janvier 844
Grégoire IV, né à Rome est le 101e pape de Rome . Son pontificat est marqué par les tentatives de la papauté à intervenir dans les querelles entre l'empereur Louis le Pieux et ses fils.

Paschase Radbert et l'abbaye de Corbie: l'atelier des faussaires

L'abbaye de Corbie (près d'Amiens) est le siège présumé de l'atelier des faussaires. Des chercheurs ont pu établir que les faussaires ont employé pour leur réécriture de l'histoire des manuscrits de la bibliothèque de cette abbaye. Klaus Zechiel-Eckes a rassemblé un certain nombre d'indices qui impliquent personnellement Paschase Radbert lui-même moine à Corbie, comme l'un des protagonistes de l'atelier. (Il est l'auteur du premier traité théologique sur l'eucharistie: Cette théorie fut une étape importante vers le dogme de la transsubstantiation, doctrine élaborée au XIIe siècle)

Les fausses décrétales, une fois rédigées semblent avoir été apportées au pape Nicolas Ier, à Rome, en 864, par Rothade de Soissons, un évèque excommunié (par son métropolitain) qui sera réhabilité en utilisant le "pouvoir" de casser des décisions qu'elles donnaient au pape de Rome. Les papes suivants utilisèrent ces textes afin d'affirmer leur autorité à la tête de l'Église puisqu'il y était écrit que les évêques ne pouvaient être jugés que par le pape et qu'aucun décret conciliaire n'était valable sans leur approbation ce qui était une innovation bien pratique pour augmenter leur pouvoir.

La Réforme grégorienne (Hidelbrand = Grégoire VII)

Les relations étroites entre les évêques et le pape comme décrites dans les décrétales sont un argument de choix pour les "réformateurs" (Grégoire VII). Les papes font en sorte que les collections de droit canonique soient infiltrées par les Fausses Décrétales et certains d'entre eux sont même des extraits des Décrétales avec seulement quelques textes provenant d'autres sources. Ce développement continue jusqu'au Décret de Gratien (vers 1140), qui est littéralement fondé sur elles. Le Décret de Gratien gagne bientôt autorité en matière de droit canonique et remplace toutes les collections antérieures.

Au Moyen Âge, les canonistes, abusés par les papes, ont pris les Fausses Décrétales pour des textes parfaitement authentiques.

Etablissement de la fraude que constituent les décrétales d'Isidore

il fallut attendre jusqu'en 1628 pour que David Blondel, prédicateur réformé à Genève, fournîsse la preuve définitive : les soi-disant papes des trois premiers siècles citaient l'Écriture d'après la version Vulgate, qui ne vit le jour que longtemps après leur mort.
Du côté catholique, il y eut encore certaines manœuvres d'arrière-garde, mais depuis le début du XIXe siècle au plus tard, aucun théologien sérieux n'a plus émis de doutes sur la falsification.

Décret de Gratien, fausses décrétales d'Isidore et donation de Constantin au pape, naissance de la papauté avec Grégoire VII