Léon, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour mémoire perpétuelle de la chose. Levez-vous, Seigneur, et jugez votre cause; souvenez-vous des insultes qu'on vous fait, de celles que vous font les insensés tous les jours; inclinez votre oreille à nos prières, car des renards ont surgi qui cherchent à dévaster votre vigne, celle dont vous avez foulé le pressoir et dont, en remontant à votre Père, vous avez commis le soin, le gouvernement, l'administration à Pierre, comme au chef et à votre Vicaire, ainsi qu'à ses successeurs, à l'instar de l'Eglise triomphante. Le sanglier de la forêt s'efforce de l'exterminer, et une bête singulièrement farouche la ravage. Après avoir associé à sa cause Dieu, le clergé, Pierre, Paul et l'Eglise, Léon X fait l'historique de toutes les hérésies qui ont désolé la chrétienté, et rappelle les condamnations dont elles ont été frappées; puis il énumère les 95 thèses que Luther a fait imprimer et afficher sur les murs de la cathédrale de Wittemberg. « Nous donc, ajoute le pape, après de longs, de mûrs, de soigneux examens, discussions et délibérations avec nos frères les cardinaux, des prieurs ou des généraux d'Ordres, des professeurs ou docteurs en théologie, ainsi que dans l'un ou l'autre droit, nous avons trouvé lesdites propositions respectivement hérétiques ou scandaleuses, ou non catholiques, mais contraires à la tradition et à la doctrine de l'Eglise, à l'interprétation vraie ou commune des divines Ecritures. En conséquence, de l'avis et de l'assentiment des cardinaux, après mûre délibération sur chacun desdits articles, par l'autorité du Dieu tout-puissant ainsi que des bienheureux apôtres Pierre et Paul et par la sienne, le pape Léon X condamne ces propositions comme respectivement hérétiques, ou scandaleuses, ou fausses, ou choquant les oreilles pieuses, ou capables de séduire l'esprit des simples, et contraires à la vérité catholique; fait inhibition, sous peine d'excommunication et de privation de toutes dignités, châtiments encourus par le seul fait de croire ces propositions; il fait défense de les soutenir, et même de les, favoriser, de les prêcher et de souffrir que d'autres les enseignent directement ou indirectement, tacitement ou en termes exprès, en public ou en particulier, ordonnant aux ordinaires et autres de faire une exacte perquisition des écrits qui contiennent ces propositions et de les faire brûler solennellement en présence du clergé et devant tout le peuple, sous les mêmes peines. Léon X expose ensuite tout ce qu'il a fait pour ramener Luther dans la bergerie, et comment tous ses efforts ont échoué contre l'opiniâtreté du moine. Il pourrait l'accabler, mais son cœur, paternel comme celui du Christ, préfère la conversion du pécheur à sa mort. Il ouvre donc ses bras à l'enfant prodigue; mais si cet enfant prodigue ne se repent pas de ses péchés, Léon cessera d'être père; il sera juge. Le pape fixe à Luther un délai de trois fois vingt jours pour, rétracter ses erreurs et brûler les livres qui les contiennent. Si, passé ce délai, le moine ne s'est pas rétracté, il le soumet lui et ses adhérents, à toutes les peines de droit; défent aux fidèles de les fréquenter et de les recevoir; interdit les lieux où ils se retireront; ordonne aux autorités de leur courir sus de se saisir de leurs personnes, de les dénoncer hérétiques, et de publier partout sa bulle, sous peine d'excommunication contre ceux qui y mettraient obstacle.
D'après "Histoire de la réformation française" F. PUAUX Tome 1, page 38 (1859)
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